La façon de pratiquer les kata de l’école Wadô-ryû se situe à mi-chemin entre celle du Shôtôkan et celle de Shitô-ryû. Mais si on la compare aux courants du Shôtôkan dont le style a évolué en accentuant l’ampleur des gestes et la puissance, le Wadô-ryû paraît plus proche du Shitô-ryû. Cela se comprend tout à fait si l’on considère la manière dont cette école s’est formée.
Les adeptes du Wadô-ryû qui sont nés avant 1920 ont souvent commencé le karaté avec G.Funakoshi et, pour eux, la différence avec l’école Shôtokan est très faible. Mais elle apparaît comme une opposition pour des pratiquants qui n’ont connu que le karaté de H.Ôtsuka. Les jeunes karatékas, habitués à l’opposition organique des écoles de karaté moderne, ont une impression curieuse lorsque les maîtres âgés qui sont garants de leurs école parlent de G.Funakoshi, fondateur de Shôtokan, comme de leur propre maître. Cela s’explique parce que l’existence des écoles de karaté qui est pour certains karatékas une évidence est en fait une chose récente.
H.Ôtsuka a fixé les neuf kata de son école. Ce sont les cinq kata Pinan, plus Naifanchi, Kûshankû, Seishan et Chintô. Neuf kata pour une école, cela semble bien peu par rapport au Shitô-ryû qui en compte près d’une cinquantaine. Mais pour H.Otsuka le nombre de kata n’avait aucune valeur. Il jugeait que les éléments techniques de kata tels que Bassaï, Jion, Jitte, Rôhai, Wanshû, Nijûshiho, Gojûshiho, étaient tous contenus dans ces neuf kata et qu’ en conséquence, ceux-ci suffisaient largement. Aussi, lorsqu’un de ses élèves a exécuté le kata Chintei à l’occasion d’une démonstration, Ôtsuka l’a critiqué ainsi: « Chintei n’a pas la valeur d’un kata. C’est un kata que quelqu’un a composé avec sa tête, il n’a pas l’âme de la technique du budo. »
Pour celui qui cherche la profondeur dans la pratique des kata, l’attitude de Ôtsuka est fondamentalement juste. En effet, jusqu’à la fin du XIXe siècle peu d’adeptes de karaté connaissaient plus de deux ou trois kata, et c’est en les approfondissant qu’un adepte pouvait attendre un haut niveau. De même, le support de l’art du sabre des guerriers japonais était une immense répétition de très peu de kata qui permettait d’acquérir l’essentiel de la technique du combat. C’est pourquoi l’important pour une école de budo est d’avoir un petit nombre de kata qui méritent chacun de très nombreuses répétitions. Si l’on adopte cette attitude le nombre de kata n’atteste nullement la qualité d’une école, et lorsque leur nombre augmente, une ambiguïté risque de s’installer pour chacun des kata.
Mais limiter le nombre de kata à neuf soulève plusieurs problèmes sur le plan de l’enseignement, de la pratique et de la recherche. Car on constate que, généralement, les adeptes du Wadô-ryû s’entraînent souvent moins aux kata que ceux d’autres écoles et que, par contre, ils consacrent plus de temps à des exercices directement utilisables en combat. Dans la plupart des universités japonaises, les entraînements de cette école sont attachés à des techniques préparant à la compétition. Compte tenu du nombre d’années de pratique, le résultat est souvent positif en compétition sportive. Toutefois cette forme d’entraînement est aussi critiquée pour son manque d’efficacité en combat réel.
Si, dans la pratique des kata, un adepte veut rechercher la signification attachée à chaque geste, il lui est nécessaire d’avoir un répertoire de connaissances suffisamment large pour effectuer des comparaisons. La connaissance de neuf kata ne le permet pas et, si un adepte de Wadô-ryû veut faire une recherche sur le mode de transmission des significations attachées aux kata de karaté, il ne connaîtra pas assez de kata dans le cadre de son école. Les neuf kata sont suffisants pour ceux qui ne doutent pas de la qualité des kata qui ont été choisis par H.Ôtsuka. Mais si, comme l’avait fait H.Ôtsuka pour les kata que lui avait enseigné G.Funakoshi, un adepte met en doute la valeur et la qualité des kata sélectionnés, il sera rapidement obligé de déborder de cadre de son école. Aujourd’hui, sept kata ont été ajoutés par les successeurs de H.Ôtsuka et l’école Wadô-ryû enseigne seize kata.
L’Ecole Wadô-ryû s’est, comme le Shôtôkan, développée principalement dans la région de Tokyo. Elle compte aujourd’hui également de nombreux adeptes en dehors du Japon. C’est une des quatre principales écoles du karaté moderne.
Sources : Histoire du Karaté par K.TOKITSU.