Le jûjutsu est l’art martial japonais d’où sont issus le judo et l’aïkido contemporains. Le judo a été créé à la fin du XIXe siècle par J.Kanô, qui voulait instituer à partir du budo traditionnel une forme d’éducation physique et mentale adaptée à la société moderne. Pour souligner cette visée globale, il a substitué au suffixe jutsu (technique), le suffixe do (voie). L’aïkido a été créé au cours des années 1930 par M.Ueshiba.
Aujourd’hui plusieurs écoles de jûjutsu existent au Japon ; elles restent fidèles à la tradition sans chercher à s’étendre. On peut faire remonter l’origine du jûjutsu au VIIIe siècle. Durant les guerres féodales, cet art a été pratiqué et élaboré par les guerriers comme technique de combat au corps à corps sur les champs de bataille. Lorsque la paix féodale s’installe au XVII siècle, la technique du jûjutsu est modifiée et développée en conformité avec le mode de vie de guerriers qui désormais se fonctionnarisent et passent le plus clair de leur temps dans les palais. Sur les champs de bataille il s’agissait d’être capable de se défendre et de tuer son adversaire, même lorsqu’on ne disposait pas d’arme. Plus tard, lorsque les guerriers deviennent des fonctionnaires au service de leur seigneur et que l’essentiel de leur vie se déroule dans son château, un nouvel objectif s’ajoute à ceux du jûjutsu. Il faut pouvoir empêcher un révolté ou un intrus éventuel de dégainer son sabre et le dominer sans utiliser d’arme.
Dans ce contexte, se développent des techniques particulières qui se greffent sur la gestuelle de convenance requise par l’étiquette, par exemple la marche sur les genoux. Des techniques nouvelles sont élaborées en rapport avec la vie de tous les jours et non plus seulement avec la situation de guerre. On dit généralement que le jûjutsu est purement japonais; cependant sa filiation chinoise est certaine même si elle est peu connue. Si l’art du combat chinois a fleuri sous la forme du karaté à l’île d’Okinawa, il avait déjà auparavant servi de semence au jûjutsu japonais. Le contact culturel du Japon avec la Chine remonte loin dans l’histoire. Mais les premiers documents fiables datent du Ve siècle.
A partir de VIe siècle, le contact culturel avec le continent devient plus massif. Du VIe au IXe siècles, de nombreux savants et artisans viennent de Chine et de Corée au Japon. Les temples construits à cette époque au Japon et les objets qu’ils contiennent attestent d’influences venues de l’Asie centrale, de l’Inde, du Moyen Orient, de la Grèce, de Rome, etc. Des courants Bouddhiques très divers parviennent au Japon à cette époque. Dans l’Etat Antique japonais de la première période, le Bouddhisme a eu un rôle concret dans l’organisation et le gouvernement du pays à la fois par sa spiritualité et par les connaissances pratiques qu’il véhiculait. Les racines de jûjutsu remontent aux contacts culturels réguliers entre la Chine et le Japon qui ont eu lieu du VI au IXe Siècles.
Prenons l’exemple de l’école de jûjutsu que pratiquait H.Ôtsuka. Selon R.Fujiwara, l’école Yôshin-ryû provient du yang-zhou-quan, un art de combat chinois. Yôshin-ryû s’écrit en trois idéogrammes : le même idéogramme se prononce Yô en japonais et Yang en chinois, shin signifie esprit ou coeur et ryû école. Yôshin-ryû veut donc dire l’école de l’esprit de Yang. C’est un moine bouddhiste chinois nommé Ganshin, originaire de Yang-zhou en Chine qui aurait transmis l’art du combat de cette région, le yang-zhou-quan. Ganshin était venu au Japon au VIIIe siècle pour harmoniser la pratique du Bouddhisme qui s’était implantée de façon anarchique. L’art du combat aurait été transmis directement par lui ou par l’intermédiaire de ses disciples. Les moines pratiquaient souvent, à cette époque, un art de combat et ils étaient accompagnés de savants et d’artisans. L’exemple de Ganshin n’est pas unique, et nous en retrouvons à plusieurs reprises des équivalents dans l’histoire de la culture japonaise.
Si l’origine du jûjutsu a été évoquée, c’est pour montrer comment, chez H.Ôtsuka, se retrouvent deux arts différents qui cependant avaient été élaborés à partir d’une origine commune. En effet, le jûjutsu qu’il a appris est le versant japonais de l’art de combat chinois et le karaté auquel il va s’initier en est probablement un autre versant, celui d’Okinawa. C’est là un exemple intéressant de la reconversion d’une oeuvre culturelle et des formes différentes qu’elle peut prendre dans le temps et l’espace. L’art du combat chinois s’est développé au Japon en donnant naissance au jûjutsu qui a engendré par la suite le judo et l’aïkido et il a pris la forme du karaté dans l’île d’Okinawa. H.Ôtsuka au XXe siècle tente d’intégrer dans une pratique unique ces deux jumeaux, sans avoir conscience de leur origine commune.
Sources : Histoire du Karaté par K.TOKITSU.