Quand H.Ôtsuka rend sa première visite à G.Funakoshi, celui-ci lui explique avec chaleur ce qu’est le karaté. Il lui dit qu’il connaît quinze kata et qu’il est possible, pour quelqu’un qui n’a aucune expérience du budo, d’apprendre ces kata en cinq ans, mais que pour un expert d’une discipline du budo deux ans suffisent. Il lui explique ensuite que la progression à un niveau plus élevé dépend de la qualité de l’entraînement de chacun. H.Ôtsuka, devenu élève de G.Funakoshi apprend les quinze kata en un an et demi, et, de son point de vue d’expert en jûjutsu, juge qu’il existe dans chacun de ces kata des éléments inapplicables en combat.
Pour résoudre ce problème, il décide d’aller étudier à Okinawa. Or avant son départ il apprend qu’une démonstration de budo aura lieu au mois de mai au dojo du Palais Impérial et que, sur la recommandation de J.Kanô, le karaté-jutsu pourrait y participer. C’est là une occasion exceptionnelle de donner au karaté sa place dans le cadre du budo japonais. H.Ôtsuka renonce alors à son voyage à Okinawa et élabore avec G.Funakoshi le contenu de la démonstration. Tous deux pensent qu’il est insuffisant de montrer seulement des kata, et que, pour s’affirmer comme budo, il est indispensable de montrer une forme de combat, ce que G.Funakoshi ne peut pas fournir à partir de sa forme de pratique. H.Otsuka élabore alors des kata de combat à partir du modèle de l’entraînement du jûjutsu. Dans ces kata, au lieu d’exécuter seul des mouvements techniques, il formalise des exercices à deux, où l’un attaque avec un sabre et l’autre se défend et le domine avec des techniques de karaté. Le jour de la démonstration H.Ôtsuka se présente pour l’école de G.Funakoshi et exécute ces kata qui sont très appréciés. A la suite de cette démonstration plus d’une dizaine d’universités de la région de Tokyo s’attachent à l’enseignement de G.Funakoshi et d’H.Ôtsuka. Ce dernier devient très vite l’assistant de G.Funakoshi. Comme lors de la démonstration, les apports de H.Ôtsuka seront importants pour l’élaboration par G.Funakoshi d’un mode d’entraînement du karaté qui corresponde à l’image du budo chez les Japonais. Ils mettent donc au point plusieurs yakusoku-kumité ou exercices de combat conventionnel à partir des modèles du jûjutsu.
Avoir un élève comme Ôtsuka est enrichissant pour G.Funakoshi, mais les divergences entre leurs deux personnalités sont présentes dès le début et l’équilibre qu’ils établissent en un premier temps reste précaire. Cet équilibre se rompt à partir du moment où, aux yeux de Funakoshi, la démarche d’Ôtsuka apparait excessive. En effet, H.Ôtsuka commence à ressentir la nécessité de faire des exercices de combat libre en empruntant des modèles tantôt à la boxe, tantôt au kendo. Cette évolution est naturelle pour H.Ôtsuka qui a déjà pratiqué pendant dix-sept ans le jûjutsu où les kata sont une préparation au combat, tandis qu’elle est inadmissible pour Funakoshi. Celui-ci commence alors à critiquer Otsuka: « Il modifie l’essentiel du karaté en y apportant trop d’éléments de jûjutsu ». La différence de leur démarche rend dès lors la séparation prévisibe.
Sources : Histoire du Karaté par K.TOKITSU.